Un sourire d’enfer 46
Un sourire d’enfer 46
Ces discussions avaient au moins l’intérêt de permettre une bonne brosse.
Un soir, je buvais avec Gilbert Langevin, un extraordinaire poète. J’étais dans un état d’ébriété pas mal avancé quand le garçon de la taverne a refusé de nous servir d’autres bières. Fort de mon expérience dans l’Ouest et pour prouver que je n’en inventais pas, je suis allé chercher un petit couteau de cuisine pour forcer la commande.
Le garçon de table n’a pas eu peur, mais il a pris ça bien au sérieux. Je me suis ramassé vite comme un éclair sur le trottoir.
Mon pauvre Langevin, en bon camarade, en pleine solidarité, a commencé à vouloir expliquer mon comportement et demander ma réintégration. Il est sorti si vite qu’il est arrivé le front sur le trottoir. Nous avons été réintégrés quelques semaines plus tard alors que le patron de la place nous a expliqué que c’était une mesure pour « me » protéger.
» Quelqu’un aurait pu te prendre au sérieux et t’abattre pour nous. Il n’y a pas que des poètes à la taverne Chérier.
J’avais gravé quelques manies de voyage dans mon appareil mémoire. Ainsi, quand j’étais nerveux, je me croyais toujours plein de puces. À l’hôpital, les médecins m’ont expliqué que j’avais probablement été traumatisé par les puces quand j’en ai eu dans l’Ouest. À chaque fois, que les nerfs me prenaient, les puces réapparaissaient. Elles n’avaient rien de réel, mais ça piquait en «joliboire».
Je buvais du café comme un défoncé, ce qui me rendait encore plus nerveux. Je devenais un véritable accélérateur, plus fanatique, plus peureux, plus violent en pensées et surtout en paroles.
La bière me ramenait les nerfs, mais dès que je dépassais trois bouteilles, elle me rendait complètement fou. Je devenais paranoïaque à cent pourcent et plus. C’est encore pareil, mais aujourd’hui, (en 1978) c’est le vin.
C’est mon petit côté voyou, révolté.