Libert ou octobre 1970
Pour un mot
prononcé à peine plus fort que nos délires.
Les bœufs
ont pillé nos greniers
ont mordu dans nos rêves.
Ces salauds
ont perquisitionné jusqu’à nos larmes.
Mais, nous sommes forts de notre vérité
plus forts que l’armée.
Nous sommes une société mise à nue
et nos cris dénoncent
deux cents ans de frustration et de misère.
De porteurs d’eau que nous étions
nous sommes devenus porteurs d’espoir!
Dans nos champs
germent des grenades de liberté
qui explosent
aux visages avariés
de nos maîtres.
Maudits êtes-vous!
Vous qui nous avez fait ramper
vous qui avez sapé jusqu’aux souvenirs de notre race.
Nous sommes encore debout!
Et nous crachons au visage de votre infamie
parce que l’on sait que malgré nos faiblesses…
Nous vaincrons!
Vive la liberté!
Vive le Québec libre!
Extrait de Chair de poule
Misère éternelle
Il est difficile de se voir dans l’agonie de sa lucidité, impuissant à vivre sa vie d’hommes, d’échapper à une enfance maculée de chicanes de famille pour dérouter les créanciers; d’échapper à ces années brûlées d’efforts à s’instruire de mille et un mots fardés pour éviter le mot sexe.
Il est difficile de se soustraire à son rêve et se reconnaître minable et bouffon aux mains d‘un système assassin. Nous sommes de petits soldats de plomb, enfoncés dans les marécages pour qu’il en coûte moins cher en cimetières capitalistes.
Nos taudis nous ont appris à lutter avec l’hiver, à se blottir dans nos haines, à se bien porter malgré nos odeurs de fièvre.
Notre religion a conquis les miettes de notre dignité d’animaux jouisseurs et les a placées sur les autels inodores de la chasteté. Qu’avons-nous à nous plaindre? Le monde a toujours été ainsi : il faut aimer sa reine, son boss et sa misère. Capitaliser, tuer, guerroyer, résultats inéluctables d’une morale castrée.
Le ciel sera beau!
Un Dieu, charognard, grugera nos os maigres durant toute une éternité et, de temps en temps, pour se distraire, il boira nos poèmes à sa mémoire et à sa gloire.
Oui! Faux Dieu de l’argent, nous te ferons un monument quand on se rappellera que des générations sont mortes en espérant pour rien ton royaume de justice, de paix et d’amour.
Un monde de mensonges. Nous ferons un monument pour que chacun se rappelle à jamais ce que fut ce fameux royaume tant que tu l’habitais avec ton crois ou meurs, ta production d’armes pour ta maudite autorité, tes piastres et ta puissance… jusqu’à l’espoir de n’avoir ni Dieu, ni maître.
Aussi, peu d’entre nous échapperons au grand désarroi de nos muscles tendus qui éclateront de rage pour laisser vivre nos instincts jusqu’au bout de leur route.
La ville est une poussière d’amiante logée dans nos poumons. Nous cracherons le sang de ne pouvoir vivre l’infini en nous; au bout de nos doigts valsera cette décharge électrique lancinante qui nous secoue de lucidité. Besoin de jouir!
Nous ferons sauter les pinces qui replient vos doigts contre nos gorges. Nous en avons assez du gouffre. Nous voulons nos plaines et nos rivières. Nous revendiquons le droit à notre langue. Nous désirons un pays. Nous sommes fatigués des sarcasmes.
Le Québec est un territoire locataire de son corps, locataire de ses sens, un peuple castré de sa vie. Peuple désir… Nation à naître… Coûte que coûte!
La liberté, ça se prend
sans permission
s’il le faut…
Révolte
Les petits crachent aux gros :
« Tiens-toi bien paquet
j’en ai plein le casse…
Tes hivers, je les réchaufferai à l’hélium
tes puits de pétrole, je les boirai dans mon café
je t’y pendrai à la lune par les sous-vêtements.
Venez salauds!
Vous allez l’apprendre.
Le coût de la vie
à grands coups de pied au cul!
Chacun son tour… »